Monsanto, une histoire pavée de bonnes intentions

Cette semaine, alors que se tient le salon de l’agriculture, « Impertinence » en profite pour vous parler d'une multinationale pour le moins impertinente : Monsanto. Qu’en savez-vous et pourquoi s'y intéresser ?

Monsanto, c’est à la fois une multinationale ultra-puissante et la réussite flamboyante du capitalisme, une part du rêve américain et le cauchemard de certains. Modèle à suivre pour ses admirateurs, ruine de l’homme pour ses détracteurs, le groupe déchaîne les passions. Cela est dû à son histoire. Monsanto est en effet devenue la bête noire de nombreux scientifiques et militants écologistes. Un passé tout en contrastes, fait d’ambiguïtés, qui entremêle l’action de l’État et celle des lobbies, qui ne fait plus de distinction entre intérêt public et intérêt privé. Un groupe qui n’a pas hésité non sans courage, à défendre et à mettre en œuvre une certaine vision de l’agriculture, et qui entend bien dessiner celle de demain.

Créée en 1901 à Saint Louis dans l’état du Missouri aux États-Unis, la firme ne fut pas toujours un géant agricole. Ce fut d’abord l’une des plus grandes compagnies chimiques du XXe siècle, dont la recherche devait faire le bonheur de l’homme et de l’agriculture. Son produit phare est le Roundup, l’herbicide le plus vendu au monde depuis 30 ans. Monsanto est aussi leader dans le domaine de la biotechnologie, et 80% des organismes génétiquement modifiés cultivés sur la planète lui appartiennent. Aujourd’hui, la firme se présente sur son site internet comme une compagnie agricole, dont l’objectif est d’aider les paysans à produire des aliments plus sains tout en réduisant l’impact de l’agriculture sur l’environnement. Un objectif louable, mais a-t-il toujours été respecté ? Retour sur quelques scandales qui ont éclaboussé la réussite du groupe.

Le scandale des PCB : Ces huiles chimiques utilisées comme isolants dans les transformateurs électriques ont fait la réussite du groupe pendant près d'un demi siècle. Leurs effets nocifs sur la santé, connus de la firme furent pourtant dévoilés bien plus tard : hépatites, cancers, éruptions cutanées, autant d'effets secondaires cachés par la firme, provoquant maladies subites et décès en masse, au détriment de la Ville d'Anniston en Alabama. Ces huiles ne furent interdites que dans les années 1980. Le groupe fut condamné à payer 700 millions de dollars, afin de dédommager les victimes et dépolluer le site. Une somme dérisoire pour le mal commis. Aucun dirigeant de Monsanto ne fut en revanche poursuivi.

Le scandale du Roundup : cet herbicide dit « total » ou « non-sélectif » car il détruit toutes les plantes, fut mis sur le marché par Monsanto en 1974 . Vendu comme biodégradable et non polluant, la firme a été condamnée deux fois pour publicité mensongère. La condamnation la plus récente date de 2009, en France. La mention « biodégradable » a depuis, disparu des bidons. De nombreuses études scientifiques, notamment celle de Robert Bellé, mettent en garde contre les dangers du pesticide : il serait hautement toxique, et provoquerait des cancers. Des dangers niés par la firme, afin de protéger le soja génétiquement modifié « Roundup ready », qui sert à nourrir les animaux que nous mangeons.

Le scandale des hormones de croissance : Il s’agit d’un autre scandale lié aux biotechnologies. Il s’agissait d’une hormone transgénique développée par la firme et injectée aux vaches laitières afin de faire augmenter leur production de 20%. Des documents volés à la FDA et transmis au docteur Epstein permirent d’en savoir plus sur les effets de cette hormone du bonheur. Ils indiquaient que les changements physiologiques provoqués par l’hormone étaient dramatiques. Les animaux traités rencontraient de graves problèmes de reproduction, ainsi que des problèmes de mammite. Le pue résultants de cette maladie se retrouvait ensuite dans le lait, ainsi que les antibiotiques servant à soigner les animaux malades. Monsanto affirma pourtant à l’époque que le goût et les propriétés du lait ne s’en trouvaient pas altérées. Des allégations démenties par une soixantaine d’études montrant notamment que le taux élevé d’IGF1, l’hormone de croissance ou insuline sécrétée en plus grande quantité par les vaches traitées, pouvait entraîner cancers du sein, du colon et de l’utérus chez les femmes.

Le scandale sur la corruption : En 1998, trois scientifiques témoignèrent devant une commission sénatoriale au Canada, afin d'empêcher la mise sur le marché de cette hormone de croissance injectée aux vaches. Margaret Haydon, l'une d’eux, était membre de « Santé Canada », le ministère fédéral responsable d'aider la population à maintenir et à améliorer sa santé. Elle affirma avoir été approchée par la firme qui lui aurait promis plusieurs millions de dollars contre son silence sur les dangers liés à l’hormone. Monsanto ne nia pas avoir proposé cette somme, mais indiqua qu’elle était destinée à développer la recherche sur les vaches canadiennes. Les conséquences furent bénéfiques : le parlement européen refusa la mise sur le marché de l’hormone, qui fut aussi interdite au Canada. Cependant, chose surprenante, les trois scientifiques furent licenciés. L’affaire fut alors portée en justice. Ce scandale aurait dû faire chuter la multinationale, il n’en fut rien. Les relations entre Monsanto et la FDA sont trop fortes, et il n’est pas rare de voir les dirigeants du groupe se voir parachuter à la direction de l’agence et inversement. Le système de « revolving doors » fonctionne à plein régime. C’est ainsi qu’on vit Linda J. Fisher passer de l’agence de protection de l’environnement à Monsanto, ou encore Marcia Hale et Josh King être parachutés de la maison blanche à Monsanto.

Autant de scandales comportant autant d’enjeux, qu’il serait trop long et inutile de tous citer. Se renseigner sur l’histoire de Monsanto, c’est se renseigner sur une multitude de scandales. Géant vert aux pieds ensanglantés, que laissera le groupe derrière lui ?

MMDB