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Impertinence

Déforestation, privatisations, armes à gogo : Le doux Brésil de Bolsonaro

7 Novembre 2018 , Rédigé par MMB Publié dans #International

Jair Bolsonaro, président élu du Brésil (Crédits : Diario de Goias)

Jair Bolsonaro, président élu du Brésil (Crédits : Diario de Goias)

Jair Bolsonaro a été élu ce 28 octobre nouveau président du Brésil avec plus de 55% des voix, face au candidat du Parti des travailleurs (PT) Fernando Haddad (45%). De quoi réjouir un électorat jeune ( 60% de l’électorat de Jair Bolsonaro a entre 16 et 34 ans), surtout inquiet sur l'économie mais aussi en colère à cause de l'insécurité et de la corruption d'une majorité de la classe politique du pays.

Pourquoi Le Brésil ? A cause de quoi ? Dans quelles circonstances ? Comment un monsieur aussi peu soucieux de l'écologie et des droits humains les plus élémentaires, tenant un discours autoritaire, s'est-il hissé à la tête de la dixième économie mondiale, pays gigantesque (le plus étendu d'Amérique latine), abritant l'une des plus formidables réserves de biodiversité du monde (12 % des réserves d’eau douce de la planète et des dizaines de milliers d’espèces) et l'un des derniers territoires à héberger des peuples indigènes ? Décryptage...

Jair Bolsonaro a 63 ans. A la tête du Parti social libéral, et seulement 30 ans après la dictature militaire qui a sévi dans le pays, il est parvenu  à rassembler au second tour de l'élection, près de 58 millions d'électeurs. Celui qui est dénommé plutôt à tort qu'à raison par ses partisans le "Trump tropical", a su surfer sur la vague de dégagisme mondial, doublant au passage un Parti des travailleurs expirant, moribond, miné par les affaires et la corruption. Une fois de plus... Un parti politique qui a déçu les classes pauvres, dont le président Lula se trouve en prison pour corruption passive et blanchiment d'argent.

Or sur les cendres de la vie politique brésilienne, Jair Bolsonaro fait figure d'enfant sage, lui qui n'a jamais été pris officiellement la main dans le sac, notamment lors du scandale Lava Jato par lequel avait été révélée une affaire à dormir debout de corruption généralisée au sein de la classe politique. Pour exemple, presque 40% des membres du Parlement ont été inculpés ou mis en examen, 10 milliards de dollars se sont évaporés dans les circuits de la corruption.  Le nouveau président brésilien a donc toutes les cartes en main et la légitimité qu'il faut pour gouverner, lui qui a su jouer de son image d'homme honnête et intègre. Il est d'ailleurs évident qu'il appliquera à la lettre une bonne partie de son programme. Accrochez-vous !  Dès janvier prochain, l'ancien capitaine de l'armée brésilienne et nostalgique de la dictature, dévoilera plus en détails un programme à faire pâlir d'envie tout libéral qui s'assume.

Ce dernier consiste à  privatiser un maximum d' entreprises publiques, traquer des opposants politiques (nettoyage des marginaux rouges), construire une autoroute démesurée qui traversera l'Amazonie dans son entier et ouvrir le peu qu'il en reste à l'agro-business, déréguler encore un peu plus le secteur financier (comprenez financiariser encore d'avantage l'économie), approfondir des mesures déjà bien engagées de flexibilisation du marché du travail et de réforme des retraites. Populiste Bolsonaro ? Un populiste très Macron-compatible alors... Il est vrai qu'il n'a pas reçu le titre de champion de la terre, et pour cause ! Ce n'est pas pour ça qu'il a été élu, porté par les élites financières qui adoubent ses choix de mettre le productivisme et l'économie devant tout le reste, ces dernières suivies par des classes moyennes et populaires inquiètes, catholiques ou protestantes, chez qui il a pu élargir sa base  en proposant plus de sécurité et moins de corruption, une recette qui a tristement déjà fait ses preuves.

Il n'en reste pas moins qu'une très bonne partie des partisans de Bolsonaro sont loins d'être pauvres. On y trouve notamment une bonne part de blancs, jeunes et éduqués, des classes moyennes et supérieures qui y trouvent un intérêt, ou qui croient véritablement que celui pour qui la véritable erreure de la dictature fut de torturer et non pas tuer, pourra libérer le Brésil de ses démons passés. Il est cependant important de mentionner que la classe moyenne qui a subi très durement les effets de la crise économique, est attirée par le protectionnisme de Jair Bolsonaro. Elle voit en effet avec crainte l'entrée de capitaux étrangers et surtout chinois dans le pays. Enfin, le nouvel homme fort du Brésil a su concquérir un puissant lobby qui sévit dans l'ensemble du pays : la bancada ruralista, qui rassemble les grands propriétaires terriens. A eux seuls (1% de la population brésilienne), ils détiennent 45% des terres au Brésil. De quoi donner des éléments de compréhension sur la détestation des indigènes propre au nouveau président brésilien, ou bien encore sur le sort que vont connaître à partir de janvier les 500 000 familles paysannes du mouvement des "sans terre" qui réclament le droit de cultiver pour survivre, leurs parcelles de terrain. Bolsonaro les considère comme des terroristes.  Dans un monde ou le steack brésilien représente pas moins de  20% de la consommation mondiale, c'est le soja qui prime, moins les humains. Mais vers quoi peut tendre un pays où l'on pense qu'il est préférable de bénéficier de moins de liberté pour aller mieux sur le plan économique et sécuritaire ?

Vous l'aurez donc compris. Ce n'est pas demain que commenceront à germer sous le soleil brésilien, les vertes semences de la transition sociale et écologique. Si avancer est impossible, il est permi d'espérer que le Brésil ne reculera pas trop. Car le temps restant pour s'y mettre fond lui aussi comme neige au soleil...

MMB

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