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Impertinence

Harnoncourt, la mort d'un visionnaire

7 Mars 2016 , Rédigé par Clément Henri-Rousseau Publié dans #Culture

Harnoncourt, la mort d'un visionnaire

En décembre dernier, le chef d’orchestre Nikolaus Harnoncourt annoncait son retrait de la vie musicale et écrivait, proche de la fin, « nous sommes devenus une communauté de pionniers ! ».  Le 5 mars dernier, il s’est éteint à l’âge de 86 ans.  L'oeuvre du pionnier autrichien aura  été de remettre la musique baroque sur le devant de la scène, malgré de virulentes critiques. 

 

Le chef d’orchestre, violoncelliste et gambiste, est particulièrement connu pour son abondante discographie baroque, souvent contestée en sont temps par les ''modernistes''.  Les Concertos brandebourgeois, la Passion selon saint Matthieu et surtout les Cantates de Bach sont parmi ses oeuvres les plus notoires.

 

Dans les années 50, Harnoncourt constate que la musique classique est engluée dans une crise profonde, prise pour lui dans le "piège de la tradition". Ainsi, au cours des années 70, avec d’autres compositeurs comme Gustav Leonhardt, il décide alors de donner à la musique baroque un souffle nouveau… en la jouant au plus proche des origines. C’est alors toute une série de mesures qui choquèrent les compositeurs de son temps : l’introduction d’instruments anciens, le remplacement des voix de femmes par celles d’enfants dans les choeurs, et, suprême scandale, la suppression des voix de femmes alto par celles des hommes contreténors.

 

« Cet homme qui chante avec une voix de femme, c’est... c’est... c’est... enfin, vous voyez ce que je veux dire ! » s’exclama même Antoine Goléa, offusqué, en entendant chanter le contreténor Alfred Deller. Mais après tout, la musique baroque sacrée n’était-elle pas composée pour être chantée par des hommes ? Une nouvelle bataille des anciens et des modernes à la sauce baroque se jouait là en somme.

 

 

A ses débuts, « c’était loin d’être la consécration finale »

L’interprétation qu’il donna à la musique baroque peut donc être aujourd’hui considérée comme la plus fidèle aux partitions originales. Autrefois raillée par la communauté musicale, comme le sont toujours les visionnaires en leur temps, le ’’baroqueux’’ comme il fut surnommé est pourtant aujourd’hui acclamé. 

Mark Minkowski parle de lui comme un « père spirituel, un maitre à penser ». Jérémie Rhorer reconnait qu’il faut « saluer son courage, car les débuts d’Harnoncourt, c’était loin d’être la consécration finale. Il a eu le courage de soutenir des opinions extrêmement minoritaires et qu’il a su imposer contre une tradition et un système très forts ». 

 

Christophe Coin, qui l’a bien connu, nous livre le portrait d’un homme au "grand charisme" : « Ce n’était pas un modèle de baguette. Personne n’était dupe, il n’avait pas la technique de Lorin Maazel, mais ses idées musicales et sa manière de faire sentir les articulations entre musique et danse était assez éloquente. Ses répétitions étaient presque plus fascinantes que ces concerts. Parfois la répétition commençait par un long monologue. Il trouvait toujours des images fortes quand il voulait décrire quelque chose ». 

 

C’est un visionnaire qui s’en est allé. Harnoncourt avait fait sien l’humble sentence de Bach « J’ai beaucoup travaillé. Quiconque travaille comme moi pourra faire ce que j’ai fait ».

 

 

 

 

 

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